Résumé :
Hélène Deboisvilliers voit le jour en 1775 sur l’île Bourbon, au sein d’une famille de grands propriétaires terriens, producteurs de café. Elle aurait pu être heureuse si un drame n’avait pas accompagné sa naissance. Cet évènement l’amènera au croisement de deux mondes que tout oppose : celui des colons et celui des esclaves. Après une enfance tumultueuse passée à « La Providence », entourée de sa grand-mère Mathilde, à qui elle voue une profonde affection, de sa nourrice Sélisse, et de son amie Mady, elle rencontre Raphaël, qui devient son précepteur. Il lui fait découvrir les écrivains du siècle des Lumières, en même temps que ses premiers émois amoureux. Elle se prend de passion pour ce mouvement intellectuel, et n’a de cesse de s’impliquer, pour éveiller les consciences, dans l'espoir que l’être humain soit davantage respecté. Mais son engagement est si grand, qu’elle sombre elle-même dans un profond désarroi. Un soutien inattendu lui permettra de retrouver un regain d’énergie et de combativité, pour voir le rêve de sa vie se réaliser.
Un roman qui vous emporte sur l’île de La Réunion, pour vous faire découvrir sa culture, ses paysages, ses parfums, ses couleurs… mais aussi une partie de notre histoire. Un voyage émouvant qui vous invite à poser un regard sensible sur l’humanité.
Roman pour adulte - Version papier et numérique
1er prix de la ville de Figeac
le 8 avril 2018
Prix du salon du livre d'Excideuil
décerné le 20 août 2017 par l'Association des villages de Causses et Rivière
Chapitre II :
Dans le port de Saint-Denis, un mouvement tumultueux et permanent animait la place du Barachois. Les navires de marchandises croisaient les négriers et les bateaux des boucaniers. Sur le quai, l’afflux de colons, de marchands, d’esclaves, d’artisans et de dockers se déployait dans un bourdonnement incessant. Envahi par les senteurs enivrantes des épices et du café, orchestré par le chargement et le déchargement des bateaux, ce lieu était propice à de nombreuses rencontres.
Mathilde, accompagnée de sa fille, Louise, venait souhaiter un bon voyage à ses trois fils, pour leur départ en France. Maximilien avait rassemblé quelques effets personnels de Madeleine, ainsi qu’un portrait, pour les apporter aux parents de cette dernière. L’épreuve qui l’attendait était encore fort pénible et il s’inquiétait de ne pas trouver les mots appropriés. Cependant, le désir de se rapprocher d’elle, à nouveau, par l’intermédiaire de sa famille, l’incitait à s’y rendre.
À quelques pas de l’embarcadère, une vente d’esclaves s’opérait. Mathilde, dépitée, l’observait attentivement. Il y avait une femme, de l’âge de Sélisse, qui languissait, apeurée et meurtrie par les chaînes ; l’air hagard, elle semblait épuisée.
Paul et Francis, impatients et fin-prêts pour la nouvelle vie qui les attendait, se réjouissaient de rejoindre enfin le continent. Paul était un beau jeune homme confiant et persévérant. Intellectuel, il manifestait un réel attrait pour le droit et la politique. Francis, plus sensible, se destinait davantage à la littérature. Son visage fin, sa frêle silhouette et son tempérament maniéré lui conféraient un air féminin qui irritait souvent son entourage. Louise étreignit ses frères longuement. La fratrie se brisait.
- Reviens vite ! glissa-t-elle discrètement à l’oreille de Maximilien.
Celui-ci acquiesça du regard.
Mathilde, les yeux larmoyants, les embrassa tendrement. Ses fils, bouleversés, ne parvenaient plus à se détacher d’elle.
- Dépêchez-vous, pressa-t-elle, votre bateau va bientôt quitter le port. Ils vont retirer la passerelle. N’oubliez pas d’écrire !
Les deux femmes se sentirent totalement abandonnées lorsque le navire s’éloigna. Tandis que l’arpent de terre qui représentait leur île se réduisait à l’horizon, les trois hommes, également affectés par cette séparation, s’immobilisèrent. Un long voyage les attendait.
Au-dessus du port, un paille-en-queue se profilait dans le ciel en traçant d’étranges arabesques. Cet oiseau effilé, aussi blanc qu’une boule de coton et élégamment maquillé de taches noires autour des yeux, s’allongeait dans le vent. Sa queue, prolongée de deux longues et fines plumes crayeuses, esquissait dans un mouvement circulaire une gracieuse parenthèse. Maximilien, un instant absorbé par ce spectacle, détourna son regard, pour l’abandonner sur la mer.